Parce que la société et les familles ont profondément changé, le rôle des grands-parents a également évolué, pour le plus grand plaisir des petits et des grands, à condition toutefois que chacun reste à la bonne et à la meilleure place : la sienne !
DES CHANGEMENTS SOCIÉTAUX
Nos enfants sont gâtés et ils ne le savent pas. Il ne s’agit pas ici de parler des cadeaux, ou des multiples possibilités de communication dont ils disposent, mais plutôt de la chance qu’ils ont, d’avoir des parents bien entendu, mais aussi souvent des grands-parents qui sont eux aussi très souvent en pleine forme et pour de longues années. Nous vieillissons mieux et nous vivons plus longtemps et c’est en effet une vraie chance pour notre descendance. Evidemment, il n’y a pas que cela qui a évolué : le taux de divorce a explosé et semble se stabiliser, le nombre de mariages a baissé, même si l’on inclut les PACS, et par conséquent, on assiste à une montée en puissance des familles monoparentales ainsi que des familles recomposées.
SUR PLUSIEURS GÉNÉRATIONS
Il est donc assez courant d’avoir trois générations, voire quatre dans la même famille. La cohabitation reste assez rare en France même si elle existe. Traditionnellement, le rôle des grands-parents consiste principalement en la garde des enfants pendant que les parents travaillent, ou pendant les vacances. Cette mamie gâteau n’est pas simplement une image mais aussi une réalité. Il en existe de nombreuses autour de nous. Pourtant les mamies ont bel et bien changé, Mamie Nova n’existe plus vraiment !
LES NOUVEAUX GRANDS-PARENTS
Tout d’abord, Mamie est aujourd’hui souvent accompagnée de Papy ! En effet, même si les hommes continuent à être distancés par les femmes en termes d’espérance de vie, ils rattrapent leur retard. Le fait que les grands-parents soient bien plus souvent à présent en couple qu’auparavant change bien entendu la donne. Si la santé est au rendez-vous, le couple a envie de continuer à avoir son intimité bien entendu, mais a aussi des projets de vacances, de voyage, joue au bridge ou à la canasta… Moins de disponibilité donc pour les petits enfants, si tel est le cas. Cela ne les empêche pas les emmener en vacances avec eux quelque temps et d’être là le mercredi pour aider les parents. Mais ceux-ci doivent aussi savoir s’organiser sans eux.
GRANDS-PARENTS : UN RÔLE COMPLÉMENTAIRE
• Du côté des parents
Le bon sens nous guide souvent vers la bonne voie. Les parents sont là pour élever et éduquer leurs enfants, faire tous les choix décisifs : cela commence par le prénom, mais bien au-delà autorité ou laxisme, religion, école… tout passe par le père et la mère. Ils ont décidé, ou pas à vrai dire, d’avoir un enfant et leur responsabilité a été engagée dès ce moment, qu’ils le veuillent ou non. A eux de veiller sur la santé de leur progéniture, de leur prodiguer des conseils, de les informer des interdits qu’ils posent. Et cette tâche ne cesse qu’une fois que les enfants sont eux-mêmes installés. Cela ne les empêche pas de discuter ensuite avec les parents de leur soucis, problèmes et bonheurs afin de solliciter un avis, mais c’est une autre phase qui s’ouvre alors. Et au cas où les parents oublieraient leurs devoirs, la loi est là pour leur rappeler qu’ils doivent pourvoir aux besoins de leurs enfants, de leur plein gré ou pas.
• Du côté des grands-parents
Pour les grands-parents, tout cela est le passé. Ils sont donc libres d’aider leurs enfants. Beaucoup, peu ou pas. La plupart du temps, voir les petits-enfants est un vrai plaisir. Parfois un stress également, en particulier lorsqu’ils sont bébés ou très petits. Car à chaque âge ses plaisirs, et la responsabilité qui paraissait normale à vingt ou trente ans peut devenir écrasante trente ans plus tard. Garder le petit enfant et soulager la vie parfois difficile des parents est une motivation. Vouloir également perpétuer son image et son souvenir à travers les générations en est une autre. Voir les ressemblances, assister au développement de la personnalité de cet enfant est une satisfaction et une fierté. D’autant que la responsabilité globale au niveau de l’enfant n’existe pas, elle est juste ponctuelle. Jouer les nounous est donc assez logique et cela permet aussi au couple de parents de faire quelques économies. Pourtant il ne faut jamais oublier qu’ils ne sont pas des gardes comme les autres, mais bel et bien des membres de la famille, impliqués et disponibles.
UNE MEILLEURE DISPONIBILITÉ
Normal dans ces conditions que les grands-parents soient plus calmes, moins fatigués par les cris ou l’excitation d’un enfant, car ils n’ont pas à assumer le quotidien. De plus, d’un côté ils sont plus âgés, mais de l’autre ils ont du temps libre et sont donc globalement moins nerveux que les parents. Lorsqu’ils reçoivent les petits-enfants, tout est organisé en fonction de ce moment là, et tout leur temps est dédié à cette garde. Les petits peuvent ainsi se promener pour aller au manège, profiter du jardin s’il y en a un, parfois aller au cinéma voir le dernier dessin animé, apprendre à faire des gaufres et surtout jouer… au ballon, aux jeux de société, bref des activités qui ne sont pas forcément privilégiées par les parents qui doivent plutôt se préoccuper des devoirs, de la visite chez le dentiste, en bref des différentes priorités qui sont également très chronophages.
LA VISION DE L’ENFANT
L’enfant pour sa part sait que les parents sont là pour prendre soin de lui et exercer leur autorité en cas de désobéissance. Il sait également lorsqu’il va chez ses grands-parents, que ceux-ci ne le punissent pas, lui font un petit cadeau ou ne vont pas le gronder en cas de petite bêtise. Plus tard, c’est aussi aux grands-parents que l’enfant posera des questions sur les origines familiales, car ils ont souvent des photos sur les meubles qui entraînent certaines questions lorsque l’on grandit. Ils habitent parfois la maison où leur mère ou leur père a grandi, ce qui leur permet parfois de dormir dans la « chambre de… », de savoir quel enfant était le parent lui aussi. Ils sont friands de savoir que Papa ou Maman avait aussi du mal à dormir, n’a pas toujours eu de bonnes notes, a gagné une compétition de judo et d’autres faits qui permettent de renforcer le sentiment de filiation.
DE LA CONFUSION DES GENRES
Il arrive cependant que les rôles soient brouillés. La plupart du temps, lorsque cela arrive, c’est parce que les uns et les autres ne tiennent pas leur place et empiètent sur le territoire d’autrui. Parfois, les parents laissent faire, car cela leur facilite la vie, parfois ce sont les grands-parents qui ne se résolvent pas à rester dans leur rôle ou ne sont pas satisfaits du type d’éducation qui est donné aux petits-enfants. Ce dernier point est la cause la plus fréquente de dispute. Même si les grands-parents adoptent des attitudes bien plus modernes que par le passé, il leur est parfois difficile d’être d’accord avec certaines décisions. C’est là qu’il convient de faire preuve de tolérance et de sang froid, ce qui n’est pas toujours simple dans une famille où les sentiments et l’affectif sont forcément présents. Mieux vaut se retenir du problème à chaud et tenter de l’évoquer une fois la crise passée, au calme afin d’en discuter tranquillement. Ou tout simplement se taire en sachant qu’il s’agit d’un point particulièrement sensible.
LE CAS DES FAMILLES MONOPARENTALES
Dans le cas des familles monoparentales, les grands-parents doivent absolument continuer à tenir leur rôle, même s’il est bien plus facile de devenir interventionniste dans l’éducation lorsque l’on n’a plus à faire aux deux parents, mais simplement à sa fille ou à son fils. Il est alors tentant de faire des remarques, voire des remontrances, des critiques qui ne sont pas toujours les bienvenues et peuvent mener à une véritable crise familiale. Pour tenir leur rôle, les grands-parents dépendent aussi complètement de leurs propres enfants. En effet, ce ne sont pas eux qui ont décidé de l’arrivée d’un bébé dans la famille et si, habituellement, les choses se font naturellement, il faut aussi que les parents soient convaincus que la présence des grands-parents est indispensable à l’équilibre futur du nouveau-né.
DES RAPPORTS LIÉS À LA DISTANCE
Autre point absolument indispensable, la distance influence directement les liens qui peuvent être établis. Les grands-parents habitent parfois assez loin, peuvent être eux-même divorcés et dans ces conditions, les relations sont en pointillé. Enfin, il faut bien l’évoquer, certains grands-parents souffrent en vieillissant de pathologies qui rendent plus rares les visites familiales. C’est le cas en particulier des malades d’Alzheimer. La maladie est pourtant beaucoup plus difficile à vivre pour les enfants de la personne concernée que pour les petits-enfants.
UNE TOUTE AUTRE APPROCHE
Cette distance ne présage pas des sentiments mais permet de préserver la tranquillité familiale. Les grands-parents ne sont d’ailleurs généralement pas fâchés de ne plus être dans leur peau de parents, ils ont fait ce qu’il fallait en leur temps et aujourd’hui, l’attente que l’on a vis-à-vis d’eux est différente. Et les années passées ont modifié l’approche. D’ailleurs il n’est pas rare que les parents protestent « Quand j’étais jeune, tu ne jouais pas avec moi… », « Ce n’est pas ce que tu disais lorsque j’avais quinze ans… »
Et justement être grand-parent permet aussi de ne plus être aussi sévère qu’auparavant. Les anciens sont les véritables racines de la famille et il est très positif que les petits-enfants à partir d’un certain âge parlent du passé avec eux. En effet, les petits aiment que leur grand-père ou grand-mère soit plutôt bien soigné, qu’il fasse attention à son apparence, qu’il ait des activités et qu’il ne soit pas trop dépassé. Mais en même temps, le petit-fils ou la petite-fille trouve normal qu’il ait des rides ou qu’il soit parfois « vieux jeu ». Après tout, même si le terme est peu usité en leur présence, pour les petits-enfants, papy et mamie sont quand même vieux, par rapport à eux qui sont jeunes. Le fait qu’ils soient âgés les rassure aussi sur le fait que leurs parents sont donc plus jeunes et ne doivent normalement pas être confrontés à la mort, une angoisse sous-jacente.
UN EXEMPLE POUR SA PROPRE VIE
Tous les pédopsychiatres le disent, le fait de savoir d’où l’on vient aide à construire sa vie. Pourtant, naturellement, certains enfants se montrent curieux, d’autres non. La plupart du temps, cela arrive au moment de l’adolescence, ou même lorsque l’on devient jeune adulte. Parfois, on peut alors regretter de ne plus avoir les grands-parents à qui parler et poser des questions. On retrouve également cette attente chez certains enfants adoptés, qui ont absolument besoin de reconstruire leurs origines génétiques pour les aider à équilibrer leur vie et leur personnalité. Dans certains cas, cela peut devenir quasiment vital comme on a pu le voir dans l’exemple de certaines personnes qui ont dû découvrir les secrets de famille avant de pouvoir vraiment construire une nouvelle vie. Philippe Grimbert, psychanalyste et écrivain, s’est penché sur le sujet en particulier via sa propre histoire dans « Un secret ». Secret qui a été révélé par une vieille voisine qui va permettre d’affronter l’histoire familiale.
LA TENDRESSE, MOTEUR DE VIE
« Engendreurs d’engendreurs » selon l’expression de Françoise Dolto, les grands-parents se définissent donc d’abord par la place qu’ils occupent dans la constellation familiale, par leur position dans l’ordre des générations. Il est convenu de leur reconnaître des rôles et des fonctions propres et spécifiques. Leur position en seconde ligne leur permet d’aimer leurs petits-enfants en toute gratuité, c’est-à-dire sans responsabilités éducatives directes. Ils permettent alors à l’enfant de découvrir des valeurs tierces et d’entretenir d’autres relations aux êtres et aux choses. Disponibles, à l’écoute de l’enfant, ce sont par excellence les chroniqueurs du passé et de la famille. Par les contes et les récits, ils s’adressent à l’imaginaire de l’enfant en l’introduisant dans un monde magique. Par le partage d’activités privilégiées ou de moments de plaisir passés ensemble, le grand-père ou la grand-mère renforce l’identité sexuelle de l’enfant. Plus profondément et spécifiquement encore, ils représentent l’enracinement, le sentiment d’appartenance à une « famille ». Par la force de leur tendresse respective, les petits-enfants comme les grands-parents deviennent pour leurs aînés ou leurs descendants des moteurs de vie, qui aident à vieillir sereinement pour les uns et à grandir positivement pour les autres.
DES LIENS ESSENTIELS À PRIVILÉGIER
Il est donc essentiel que les parents privilégient ces liens. Ce qu’ils font pour la plupart avec bonheur. Tout d’abord parce que les grands-parents sont un véritable soutien et que leur aide est un vrai plus, mais aussi parce qu’ils savent implicitement qu’il est bon que leurs enfants aient aussi accès à leur histoire. Même s’il est toujours un peu agaçant d’entendre le petit dernier répliquer « Mais toi aussi, tu faisais ça, c’est Mamie qui me l’a dit ». Et oui, il faut aussi assumer sa propre enfance… Il arrive que des grands-parents se plaignent d’être mis de côté, ou de ne plus voir leurs petits-enfants. Inutile de se plaindre, la première réaction doit tout d’abord être de faire l’analyse de sa propre conduite et de se demander si l’on n’a pas tendance à être trop interventionniste. Bien sûr, c’est toujours pour le bien des petits. Mais après tout, si les parents ont une autre façon d’envisager l’éducation, il faut respecter leurs choix. Ce choix ne s’est pas fait par hasard et sans doute les grands-parents eux-mêmes sont-ils partie prenante dans l’attitude adoptée aujourd’hui. Le principal n’est-il pas de pouvoir garder le contact et de rester toujours respectueux et tolérant. M.V.