Pendant des années, on nous a fait croire que la gentillesse était synonyme de naïveté, c’était presque mal vu d’être gentil. Fort heureusement, des philosophes, des psys et des sociologues sont en train de réhabiliter ce comportement positif. Et si la gentillesse était en fait un véritable pouvoir à cultiver ?
UN COMPORTEMENT ALTRUISTE & GRATUIT
On le sait, la gentillesse est un comportement altruiste destiné à prendre soin des autres, tenant en compte la sensibilité d’autrui afin de ne pas le brusquer ou l’offusquer. C’est donc un savant mélange d’attention à l’autre, de délicatesse, de douceur, de don de soi ; un comportement totalement gratuit qui fait autant de bien à celui qui le donne qu’à celui qui le reçoit.
Dans une société de plus en plus égocentrique et individualiste, la gentillesse au quotidien se fait cependant de plus en plus rare. Elle semble même de moins en moins naturelle. Si les parents s’efforcent cependant de l’enseigner à leurs enfants, force est de constater que la meilleure façon d’y arriver est de donner l’exemple.
UNE NOTION POSITIVE RÉHABILITÉE
Depuis quelques années, un certain nombre d’ouvrages de philosophie, de sociologie, de psychologie, mais aussi de développement personnel est en train de réhabiliter la gentillesse et d’en démontrer les bienfaits sur la santé et les vertus pour de meilleures relations aux autres.
Tous montrent que la gentillesse donne le pouvoir de transformer notre vie, en la rendant plus joyeuse, plus positive, plus harmonieuse, plus équilibrée. Fini les idées reçues du « trop bon, trop con ». « Ceux qui savent entrer en conflit sans violence n’ont pas besoin de faire semblant d’être gentils.
La juste attitude naît dans un rapport égalitaire et authentique, lorsque nous sommes capables d’affirmer nos besoins tout en écoutant ceux des autres. Elle fleurit dans la confiance, lorsque nous donnons à voir notre être profond, sans peur d’être jugés ou abandonnés. La véritable gentillesse, c’est l’amour de soi et des autres » explique le sociothérapeute Charles Rojzman.
UN VRAI BESOIN POUR S’ÉPANOUIR
Et si ce dont nous avions le plus besoin était la gentillesse ? C’est ce que démontre le philosophe Emmanuel Jaffelin dans ses différents ouvrages sur la gentillesse.
Malheureusement, selon lui, cette vertu est discréditée. Née dans la noblesse romaine, dénigrée dans le christianisme, réhabilitée à la Renaissance, elle s’étiole comme une fleur fanée dans la démocratie marchande.
Dans « Petit éloge de la gentillesse » (J’ai Lu), le philosophe démonte les rouages de cette histoire contrariée, montre pourquoi, entre sagesse et sainteté, la gentillesse offre aux hommes une nouvelle manière de s’épanouir au quotidien, et comment elle permet de changer notre rapport aux autres.
« La mode est au cynisme. Il est mal vu d’être gentil. Dois-je pour autant m’incliner devant le regard qui ravale la gentillesse au rang de faiblesse ? » Dans son essai stimulant, Emmanuel Jaffelin montre que la gentillesse n’a pas dit son dernier mot et qu’elle est une vertu d’avenir.
Source d’une morale vivifiante, elle prend le relais de celles fondées sur le devoir. Sa révolution douce renferme une promesse : celle de réconcilier les vieilles civilisations de l’honneur avec notre société du bonheur.
D’INCALCULABLES VERTUS
Piero Ferrucci, le philosophe et psychologue qui a popularisé le concept de la psychosynthèse, explique pour sa part que « La gentillesse n’est pas un luxe mais une nécessité. C’est en nous traitant mieux les uns les autres, en traitant mieux la planète que nous pouvons espérer survivre ».
Son message est clair : il y a urgence à changer nos rapports avec les autres et nos modes de fonctionnement quotidiens. Halte à l’individualisme ambiant !
Selon lui, la gentillesse et les vertus qui lui sont inhérentes – l’empathie, la générosité, la fidélité, la loyauté, la serviabilité ou encore la gratitude et le respect – peuvent apporter d’incalculables bienfaits à qui sait s’en saisir spontanément, sans en attendre de contrepartie. Car la gentillesse égaye nos vies, elle apaise nos corps.
Elle est une des clefs du bonheur ; du nôtre comme de celui d’autrui. D’où son invitation à la cultiver ensemble.
EN FINIR AVEC LES IDÉES REÇUES
L’Histoire, la littérature, le cinéma, la philosophie regorgent de dogmes et d’injonctions sur la gentillesse. Pour les uns, c’est une qualité inhérente à la nature humaine et pleine de vertus ; pour les autres, elle représente une faiblesse à surmonter pour réussir dans la vie.
Loin des injonctions qui voudraient imposer un code de conduite, « Trop bon, trop con ? » (Eyrolles) fait l’inventaire des principales idées reçues qui existent sur la gentillesse et les illustre au travers d’exemples issus de différents domaines (vie courante, monde du travail, cinéma, littérature, psychologie…).
Les auteures, Aurélie Pennel et Delphine Luginbuhl, mettent ainsi en lumière les fausses croyances qui enferment les gentils dans une image qui ne leur correspond pas toujours. Selon elles, pour beaucoup, être gentil représente une faiblesse à surmonter pour qui veut réussir dans la vie.
UNE QUALITÉ À CULTIVER
Grâce à leur livre, on découvre au contraire que la gentillesse est une qualité à cultiver, mais surtout, qu’être gentil ne signifie pas de se faire marcher sur les pieds sans rien dire… Car en effet être gentil, ce n’est pas dire « oui » à tout. Un gentil sait dire « non », mais il sait le dire avec le sourire !
Les auteures mettent ainsi en lumière les fausses croyances qui enferment les gentils dans une image qui ne leur correspond pas toujours, en proposant des pistes concrètes et des exercices, pour les aider à transformer les quelques défauts courants liés à la gentillesse en bienfaits, mais aussi à s’assumer tels qu’ils sont et à trouver leur juste place.
INNÉE OU ACQUISE ?
De nombreuses études ont été menées pour tenter de définir si la gentillesse faisait partie de notre patrimoine génétique. Si certains scientifiques, psychologues et philosophes s’accordent à dire que dès le plus jeune âge (3 mois), nous savons différencier les gentils des méchants, d’autres estiment qu’il ne s’agit absolument pas d’un gène humain.
En conclusion, le mystère reste entier quant à notre faculté à être gentil. En revanche, ce qui est certain, c’est que l’éducation que nous recevons joue un rôle primordial dans notre comportement tout au long de notre vie.
DES BIENFAITS SUR LA SANTÉ
Quant aux bienfaits de la gentillesse sur notre santé tant psychologique que physique, ils sont largement démontrés. Une étude parue en 2001 dans la revue Journal of Health and Social Behaviour expliquait que les personnes qui avaient une activité bénévole étaient beaucoup moins sujettes à la dépression : ces derniers auraient tendance à mieux évaluer leur sentiment de bonheur, leur qualité de vie et leur estime de soi.
De même, une autre étude menée par une équipe de l’université de Colombie Britannique et publiée en mars 2008 dans la revue Science indiquait que ceux qui font des dons ou des cadeaux seraient plus heureux.
En 2001, une étude publiée dans la très sérieuse revue Psychological Science révélait que le système cardiovasculaire des personnes qui pardonnent facilement se porte beaucoup mieux que celui des rancuniers.
Les analyses de leurs électrocardiogrammes indiquaient que la rancœur accentuait la pression artérielle, tandis que l’empathie diminuait le stress !
• Elle diminue le stress
• Elle réduit le risque de dépression
• Elle limite la douleur
• Elle diminue la tension artérielle
• Elle renforce l’estime de soi
• Elle rend heureux
• Elle est communicative
• Elle améliore nos relations aux autres
UNE SOURCE DE BIEN-ÊTRE
La dernière étude en date, publiée dans le Psychological Bulletin en septembre 2020, montre un lien entre compassion-altruisme-gentillesse et bien-être. Pour ce faire, les chercheurs ont réalisé une méta-analyse de 201 études indépendantes regroupant 198 213 participants au total.
Ils ont ainsi observé que les actes de gentillesse étaient associés à une meilleure santé physique et mentale, mais avec quelques disparités en fonction du geste effectué. Les actes de gentillesse dits « aléatoires », comme aider un voisin plus âgé à porter ses courses, étaient tout particulièrement vecteurs de bien-être.
Enfin, selon Daniel Fessler, directeur du Bedari Kindness Institute à Los Angeles, la gentillesse rend heureux : « avoir un comportement centré sur la gentillesse, ou même réfléchir à la manière dont on peut l’être davantage, libère l’ocytocine, une hormone qui favorise la dilatation des vaisseaux sanguins. » C.Q.F.D. ! V.D.