Dans un livre passionnant à offrir à toutes les femmes à la cinquantaine, Sophie Kune ouvre un chemin positif pour réinventer le vécu de la ménopause et en faire une voie lumineuse de libération. On la suit avec plaisir !
Pourquoi avez-vous commencé à vous intéresser à la ménopause ?
Sophie Kune : En fait, en raison d’un problème de santé, j’ai été placée quand j’avais 47 ans en ménopause artificielle. Je me suis donc retrouvée ménopausée en 10/15 jours, ce qui a été très violent et brutal. Je n’avais à ce moment-là aucun imaginaire sur la ménopause. Ce mot n’évoquait rien pour moi et, même si ça peut vous sembler curieux, j’avais l’impression qu’il ne ferait jamais partie de ma vie. On n’en avait jamais parlé avec les femmes de ma famille, puisque ma mère a eu une hystérectomie, ma grand-mère également. Chez moi, je n’ai jamais entendu prononcer ce mot. De plus, je travaillais dans un univers où il y avait bien entendu des cinquantenaires, mais comme elles étaient toutes des femmes puissantes, non seulement elles n’en parlaient pas, mais en plus, elles me donnaient toutes le sentiment qu’à 50 ans, c’était vraiment canon puisqu’elles étaient à l’apothéose de leur carrière. Quand mon gynéco m’a annoncé qu’il me plaçait en ménopause artificielle et que tout irait bien car je serai bientôt en ménopause naturelle, j’étais stupéfaite car je ne pensais pas du tout que ça pourrait m’arriver. Etant une fille du monde digital, je suis donc allée m’informer sur internet et je n’ai trouvé, il y a 5 ans, que des sites qui placent la ménopause sous un spectre hyper médical, très froid, avec un imaginaire dans lequel je ne parvenais pas à m’identifier, je ne m’y retrouvais pas.
Pourquoi avoir consacré à cette question un compte Instagram puis un livre ?
S.K. : Parce que justement, il y avait un décalage énorme entre la ménopause que je vivais, la femme que j’étais et tous les contenus que je lisais. J’ai commencé à m’interroger sur ce décalage et ce que je ressentais. Et comme j’écris naturellement, j’ai commencé à prendre des notes et à remplir des cahiers entiers sur la question. De là, je me suis dit que je n’allais pas garder tout cela pour moi, et que je devais le partager. Surtout que mes écrits parlaient de moi, de choses intimes, face à tous ces contenus hyper médicalisés, « pathologisés ». J’avais l’impression que la femme était exclue de toutes ces informations. J’ai donc décidé de raconter mon parcours pour le partager avec d’autres femmes. C’est ainsi qu’est né @menopause.stories, après beaucoup de réflexions, puis le livre « Ménopausée et libre » qui vient de sortir aux éditions Marabout.
Comment expliquer que la ménopause reste encore un sujet tabou en 2021 alors que par ailleurs la parole des femmes se libère ?
S.K. : Il n’y a qu’à écouter le témoignage d’une de mes lectrices qui m’écrit : « Je voulais juste savoir si des femmes avaient des trucs naturels pour supporter la baisse hormonale et des trucs pour changer le regard de la société sur la vieille de 50 ans. » Voilà, vous avez votre réponse. C’est violent, limite insoutenable ! Le problème pour moi, il est là. On entend toujours dire « Dans l’inconscient collectif, les femmes de 50 ans n’ont plus de sexualité » ou plein d’autres bêtises ou commentaires désobligeants. C’est toujours « dans l’inconscient collectif ». Moi, je dis que c’est du grand n’importe quoi d’avoir ancré tous ces stéréotypes et ces idées reçues dans l’inconscient collectif des femmes, comme des hommes, et qu’on peut, au contraire, construire un imaginaire positif, car réel, autour de la ménopause. Car tout ce que l’on dit et écrit, ce n’est pas ce que les femmes vivent et ressentent au quotidien.
« La plupart des sites placent la ménopause sous un spectre hyper médical, très froid, avec un imaginaire dans lequel je ne parvenais pas à m’identifier. Il y avait un décalage énorme entre la ménopause que je vivais, la femme que j’étais et tous les contenus que je lisais.»
Vous avez donc cherché d’où venait ce terme de « ménopause » et avez trouvé son origine en 1821 dans les écrits du Dr de Gardanne…
S.K. : Oui, car il n’y a pas de fumée sans feu. Il fallait bien que cet inconscient collectif parte de quelque part. J’ai donc cherché ce qui sourçait cela et pourquoi cette image horrible de « femmes rangées des voitures » collait à la peau des femmes de plus de 50 ans. Je croyais que le mot de « ménopause » existait depuis la nuit des temps, alors qu’il n’a que 200 ans en fait. C’est en faisant mes recherches que je suis tombée sur les écrits d’un médecin français, le fameux Dr Charles de Gardanne qui a publié, en 1821, « De la ménopause ou l’âge critique des femmes », un ouvrage dans lequel il abordait cette étape de la vie, ce moment charnière où elles ne sont plus en mesure de procréer, sous un angle holistique mais parfaitement sexiste. Tout l’imaginaire négatif de la ménopause qui reste ancré dans les esprits part donc de là. C’est donc toute l’histoire d’une période d’invisibilisation pour les femmes de plus de 50 ans, à laquelle il devient urgent de mettre fin.
Sophie Kune, 52 ans, installée à Paris, mariée et maman d’un garçon de 14 ans, a fondé un bureau de conseil en stratégie digitale spécialisé dans l’univers de la femme. Auparavant, elle a été animatrice pour les émissions de coaching de M6. À l’aube de ses 50 ans, l’influenceuse a lancé en janvier 2020 le compte Instagram @menopause.stories, dans le but de partager son ressenti sur cette nouvelle étape de la vie, avec d’autres femmes. En 2021, l’auteure vient de sortir son premier livre sur la question « Ménopausée et libre ! » (Marabout) qui est déjà un vrai succès en librairies.
Ne pensez-vous pas que les femmes elles-mêmes ont aussi leur part de responsabilité ?
S.K. : Oui, énorme même ! Il y a une forme de déni autour de la ménopause, comme si c’était une maladie grave, honteuse ou un défaut. Il n’y a qu’à se retrouver à un dîner avec des copines cinquantenaires pour se rendre compte de la gêne, des non-dits, des idées reçues et du déni. Quand les femmes parlent de leur accouchement, elles disent que ça a été merveilleux et que ça s’est passé « comme une lettre à la poste ». Si tu leur réponds que ça a été douloureux pour toi, tu passes pour une geignarde ou une petite nature. C’est exactement la même chose avec la ménopause. En groupe, les femmes n’en parlent jamais ou disent que ça ne les concerne pas, qu’elles ne sont pas touchées. En revanche, dans l’intimité d’une conversation en tête-à-tête, votre copine va vous parler de ses symptômes de fatigue, d’irritabilité, de bouffées de chaleur, de problèmes de peau, de sécheresse intime, mais elle ne va jamais les associer à la ménopause. C’est là qu’on voit le déni, alors que c’est un phénomène absolument naturel qui ne devrait pas entraîner un tel rejet. Tout cela c’est le poids de cet inconscient collectif qui pèse lourdement sur les épaules des femmes de 50 ans, parce qu’il y a 200 ans, un médecin a associé la cinquantaine à « un âge critique » !
« Une fois qu’on a compris que c’est une opportunité, que ce n’est pas une perte mais un gain, et qu’on a compris comment se prendre en main, cela devient une vraie chance pour se réinventer et regarder loin devant. »
Du déni au manque de confiance en soi, il n’y a qu’un pas ?
S.K. : Oui, tout à fait, et les courriers que je reçois de mes lectrices sont souvent édifiants. Je reviens au témoignage de cette lectrice que j’ai envie de vous lire jusqu’au bout, tellement il est parlant. Elle écrit : « Je n’ai absolument pas les moyens de changer mes vêtements, mon alimentation, mon maquillage ou de me payer des cours de yoga. Je ne peux pas suivre et les traitements hormonaux ne sont pas mon souhait. Je voulais juste avoir le droit de ne plus être une génitrice en puissance et quand même avoir le droit d’exister telle que je suis. En aucun cas, monter à Paris pour me peindre le visage n’est ma conception de ce que la vie m’accorde en vieillissant. » On voit bien que derrière ses mots qui parlent de la vieillesse, du changement, du manque de moyens, cette femme décrit une forme de résignation qui témoigne aussi d’un manque de confiance en elle et en ses capacités. Elle parle du regard de la société qu’il faut changer, mais je pense qu’elle doit d’abord changer son propre regard sur elle-même. Si l’on veut créer enfin un imaginaire positif autour des femmes de plus de 50 ans dans notre société, ça passe d’abord par nous toutes. Le regard va changer si on s’y met toutes. Rendons-nous visibles, soyons actives, positives et créatives !
Pour rendre positive cette étape naturelle de la vie, il faut quoi ? La dédiaboliser, la dédramatiser, notamment par l’humour ?
S.K. : Oui, c’est un phénomène naturel mais qui peut engendrer des pathologies. Il ne faut pas cacher que cette carence hormonale va avoir un impact sur l’ensemble de notre métabolisme. Donc, ce qui faut comprendre en priorité, c’est que cette étape de la vie est l’occasion de prendre un vrai rendez-vous avec soi. Si jusqu’à présent, on avait passé des années sans trop se poser de questions, il faut profiter de cette période pour faire de ce rendez-vous une belle opportunité de se rencontrer soi-même et de prendre toutes les bonnes mesures pour ménager sa monture, donc faire attention à soi sur le long cours. Car c’est une période où l’on doit faire le deuil d’une chose qui nous a structurées, la maternité. C’est donc difficile, car ça entraîne forcément des remises en question. C’est comme une fleur qui va éclore. Après, une fois qu’on a compris que c’est une opportunité, que ce n’est pas une perte mais un gain, et qu’on a compris comment se prendre en main, cela devient une vraie chance pour se réinventer et regarder loin devant.
Quelle est votre position sur le fait d’utiliser ou pas un traitement hormonal de la ménopause ?
S.K. : Déjà, il est important de faire la différence entre THS et THM. Le THS (traitement hormonal substitutif de la ménopause) concerne les femmes ayant une insuffisance ovarienne primitive (prématurée). Le THM (traitement hormonal de la ménopause) est prescrit (ou pas) aux femmes qui sont ménopausées à un âge normal, à savoir aux alentours de la cinquantaine, pour pallier l’absence de sécrétion d’oestrogènes par les ovaires au moment de la ménopause. Ma vision sur le fait d’en prendre ou pas a vraiment évolué pendant l’écriture du livre. Au départ, j’étais plutôt contre, car il ne fallait pas me parler de traitement chimique, je ne voulais que du naturel. Aujourd’hui, après avoir rencontré les meilleurs experts, je pense qu’il revient à chaque femme d’analyser avec un très bon gynécologue le bénéfice-risque.
Vous dites qu’il ne doit pas y avoir de diktats en la matière ?
S.K. : Oui, car il y a presque autant de formes de ménopauses qu’il y a de femmes différentes. Chaque femme a ses propres antécédents génétiques, ses propres antécédents médicaux, sa propre hygiène de vie et son propre environnement. S’il y a eu des antécédents de cancers du sein dans la famille, il est évident qu’il vaut mieux éviter. Mais chaque cas est différent. Le THM donne d’excellents résultats face aux bouffées de chaleur, ça limite et prévient aussi les accidents cardiovasculaires, la fonte musculaire et l’ostéoporose notamment. Avec une spécificité française, les traitements chimiques proposés aujourd’hui se rapprochent de plus en plus du naturel. Mais d’autres solutions, 100% naturelles, à base de plantes existent et si elles sont couplées à une bonne hygiène de vie (alimentaire, sportive, sommeil et anti-stress), elles peuvent être efficaces. Donc l’important, c’est de faire le point sur les risques à prendre du THM comme sur les risques à ne pas en prendre, et de choisir en connaissance de cause.
« Profitez de cette période pour vous aimer davantage, prendre soin de vous, démarrer quelque chose de différent, faire des projets, bref pour vous réinventer plus libre que jamais ! »
Quel message essentiel faudrait-il retenir de votre livre parmi la mine de conseils qui y sont délivrés ?
S.K. : On croit que la ménopause, ça arrive d’un coup, un peu comme les règles à l’adolescence. On n’imagine pas qu’il y a toute cette période de pré ou de péri-ménopause, qui est certainement la plus difficile à affronter, puisque c’est dans cette phase-là qu’on a l’impression que c’est tout notre corps et notre mental qui se « dérèglent ». C’est donc une période de turbulences, de déséquilibre, qui remue à fond. La plupart des femmes gardent cela pour elles et n’en parlent pas. Je leur dit qu’il faut au contraire en parler à la personne en qui vous avez le plus confiance, ça peut être un médecin ou quelqu’un de proche. Si votre médecin n’est pas suffisamment à l’écoute, changez de professionnel de santé, afin de trouver une oreille non seulement attentive, mais surtout en capacité de vous accompagner et de vous délivrer les meilleurs conseils. Sur un plan plus intime, profitez-en pour démarrer ou poursuivre un travail intérieur sur vous, parlez-vous, écoutez-vous, écrivez vos pensées. Posez des mots sur ce que vous vivez et ressentez. On a l’impression qu’on est seule, alors qu’il y a autour de nous des centaines de milliers de femmes qui vivent la même chose, il existe de nombreuses solutions pour passer ce cap le plus sereinement possible et il y a des spécialistes et des experts pour nous conseiller et nous accompagner. Et puis surtout, profitez de cette période pour vous aimer davantage, prendre soin de vous, démarrer quelque chose de différent, faire des projets, bref pour vous réinventer plus libre que jamais ! La ménopause n’est pas une fin mais un début, tout devient alors possible !
Propos recueillis par Valérie Loctin.
Plus d’infos sur Instagram : @menopause.stories et @sophiekune