Manque de sommeil, stress, ménopause, déséquilibre du microbiote, dépression, dépendance alimentaire, hyperactivité et hypersensibilité, tels sont les principaux facteurs de prise de poids à l’aune des dernières découvertes en neurosciences. Rencontre avec le Dr Stéphane Clerget pour sortir de ce « poids mental » qui conditionne notre surpoids.
Pourquoi ce nouveau livre ? Pour aller encore plus loin sur le sujet des kilos émotionnels à l’appui des neurosciences ?
Dr Stéphane Clerget : Oui, car après la sortie de mon livre sur les kilos émotionnels, il y a eu de nombreuses études qui sont venues confirmer un certain nombre d’intuitions. De nouvelles découvertes montrent qu’une grande partie des prises de poids a des origines neurologiques et surtout combien l’intestin, en tant que deuxième cerveau, joue un rôle dans ces prises de poids. Et puis, ce qu’il y a de nouveau également, c’est tout ce qui concerne les addictions et les toxicomanies alimentaires. Les addictologues considèrent de plus en plus certains troubles du comportement alimentaire comme des toxicomanies. On analyse aussi maintenant l’impact du TDAH (trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) et de l’hypersensibilité sur les prises de poids. Bref, autant de nouvelles pistes que j’ai souhaité explorer pour expliquer les prises de poids émotionnelles et neurologiques, car comme le titre de mon livre le suggère, ce n’est pas seulement ce que l’on mange qui fait grossir.
Le grand public n’a pas forcément conscience que le manque de sommeil peut faire grossir. Expliquez-nous pourquoi.
Dr S.C. : On a découvert que le manque de sommeil influe sur la sécrétion d’hormones qui jouent un rôle dans l’appétit, l’envie de manger et aussi a contrario sur le sentiment de satiété. Pour compenser le manque de sommeil, l’organisme a besoin d’énergie et pour obtenir cette énergie, il va chercher des calories en mangeant plus. Le manque de sommeil entraîne aussi de la fatigue. Résultat, on va faire moins d’activités, donc au aura moins de dépense énergétique. Enfin, le manque de sommeil influence des sentiments négatifs et une humeur dépressive qui poussent à de la compensation voire de la compulsion alimentaire.
Cortisol et surpoids sont intimement liés. C’est pour cela que le stress fait également grossir ?
Dr S.C. : Oui, le cortisol joue un rôle majeur, notamment dans le cadre du stress professionnel. Car si le stress aigu ne fait pas forcément grossir et peut même nous faire perdre quelques kilos, dès que le stress s’installe sur la durée et qu’il devient chronique, c’est là que le surpoids s’installe aussi. Ce qui est intéressant d’ailleurs, c’est qu’on ne se rend pas forcément compte qu’on est dans un état de stress chronique, car comme on le ressent tout le temps, dans une vie à 100 à l’heure avec beaucoup de charge mentale, on a l’impression d’être dans un état normal. Autant on se rend compte du stress aigu lié à un évènement majeur ou à un accident de la vie, autant le stress qui s’installe sur la durée à petit feu ne nous alarme pas forcément. Mais notre cerveau, lui, s’en rend compte et notre organisme secrète alors beaucoup de cortisol, mais aussi des hormones de croissance. Ce cortisol entraîne des prises de poids chez les hommes comme chez les femmes, surtout autour du ventre et de l’abdomen. On voit clairement que le cortisol va favoriser le stockage des graisses, d’une part chez ceux qui mangent plus pour compenser leur stress, mais aussi d’autre part, chez des gens qui ne mangent pas davantage et qui ont donc encore plus de difficulté à s’expliquer leur prise de poids. Le stress peut également jouer sur le sommeil et ajouter à la prise de poids. Des neuromédiateurs sont également impliqués comme l’adrénaline qui normalement nous booste, mais quand le stress s’est installé depuis longtemps, son effet habituellement « coupe-faim » ne fonctionne plus.
La règle numéro un pour maigrir est donc d’agir contre le stress. Parlez-nous notamment de cette thérapie nouvelle, l’ACT pour « thérapie d’acceptation et d’engagement ».
Dr S.C. : Oui en effet, l’ACT, c’est très nouveau, peu de gens la pratiquent. C’est une façon d’accepter les émotions pénibles, de ne pas chercher à lutter contre les pensées négatives. C’est accepter de regarder son stress tel qu’il est, en repérant ses origines bien entendu, mais en continuant à avancer malgré lui. C’est regarder son stress comme s’il était un corps étranger à soi. Et ça n’empêche pas de chercher des solutions pour que les choses aillent mieux dans sa vie par ailleurs. C’est donc s’accepter soi-même et repérer ce qui est important pour soi, se regarder vivre, comprendre les moments où l’on est bien et ceux où ça ne va pas. C’est aussi apprendre à lâcher prise sur des broutilles et garder son énergie pour ce qui est fondamental. C’est surtout une « auto-observation » de ses comportements comme de ses pensées. Pour pratiquer l’ACT, on peut bien sûr se faire accompagner, car c’est plus facile avec un thérapeute, mais on peut aussi faire ce travail sur soi tout seul.
D’autres fonctions et organes ont un rôle majeur, comme le souffle et le cœur. D’où l’importance de bien respirer et d’avoir une cohérence avec notre cerveau émotionnel ?
Dr S.C. : Oui, car la respiration, ça marche dans les deux sens. Prendre conscience de son souffle en apprenant à respirer profondément fait perdre des kilos émotionnels, car ça relaxe. A l’inverse, le surpoids va contrarier la respiration. C’est donc tout à fait efficace de faire quotidiennement des exercices de respiration, parce qu’ils nous obligent d’une part à nous poser et d’autre part à déstresser. Il y a plusieurs méthodes de relaxation à pratiquer comme la respiration abdominale qui est la plus connue, et qu’on peut associer à de la relaxation, c’est-à-dire la détente de tous nos muscles, comme à de la méditation. La cohérence cardiaque, à l’origine, était proposée par les cardiologues, mais on peut aussi l’utiliser pour lutter contre le stress, car en agissant sur le cœur, par le cerveau, on peut s’auto-apaiser et donc par conséquence vertueuse limiter les compulsions alimentaires.
« Si le stress aigu ne fait pas forcément grossir et peut même nous faire perdre quelques kilos, dès que le stress s’installe sur la durée et qu’il devient chronique, c’est là que le surpoids s’installe aussi. »
Vous parliez de notre 2e cerveau. Comment notre microbiote influence-t-il également notre prise de poids ?
Dr S.C. : Ce sont évidemment des mécanismes complexes dont on ne connaît pas encore tous les secrets. Mais ce que l’on sait, c’est que notre microbiote constitué de millions de micro-organismes (champignons, bactéries, virus, parasites…) est un véritable organe qui pèse à lui seul près de deux kilos. On a découvert que le surpoids est souvent associé à une dysbiose, c’est-à-dire à un microbiote trop pauvre. 80% des personnes obèses, et un pourcentage très important des personnes en surpoids, ont une dysbiose. Là encore, ça marche dans les deux sens : la dysbiose favorise la prise de poids et la prise de poids favorise la dysbiose. Donc en agissant sur la composition de notre intestin, on peut modifier et lutter contre l’inflammation de notre organisme qui nous fait stocker du gras et qui influe sur notre moral, pouvant même entraîner un état dépressif.
Que préconisez-vous en matière d’alimentation, notamment face au sucre et au gras, dont les excès favorisent le surpoids ? Car on parle aussi par ailleurs du sucre qui alimente notre cerveau et du « bon gras » riche en omega-3 et 6.
Dr S.C. : Le sucre, il faut le prendre dans des aliments qui sont bénéfiques, car il y a aussi des aliments qui sont bons pour notre microbiote et qui vont jouer sur notre moral, donc nous aider à maigrir. Il faut donc prendre le bon sucre, notamment le sucre du miel, qui est un vrai composé prébiotique, mais aussi celui des fruits, qui peuvent participer à un mieux-être tant physique que mental. Alors oui au fructose des fruits et non au fructose de l’industrie ! Il faut donc mettre à distance tous les aliments transformés et privilégier le bon sucre des myrtilles, des framboises, des bananes, des pommes, qui en plus coupent la faim. Pour le gras, celui des petits poissons est en effet bénéfique. Le plus important est d’éviter au maximum d’associer en permanence le gras et le sucre. Ça veut dire bannir le plus possible tout ce qui est industriel et transformé. J’aurais même envie de vous dire, vu que le mauvais gras attaque le cerveau, plutôt que d’ingérer ce gras à l’intérieur de soi, pourquoi ne pas l’utiliser à l’extérieur, par des massages et des soins du visage et du corps à base d’huiles et de crèmes bienfaisantes ? Plutôt que d’huiler l’intérieur de votre corps, pourquoi ne pas huiler l’extérieur ? En vérité, on n’a plus besoin de manger du gras pour survivre aujourd’hui, alors autant l’éviter, car il nous fait plus de mal que de bien.
Vous parlez aussi des bienfaits du jeûne sur le moral, l’humeur et les neurones. Est-ce vrai aussi du jeûne intermittent ou séquentiel, très à la mode aujourd’hui ?
Dr S.C. : Oui, c’est à la mode et il faudra un peu de recul sur ces pratiques pour en évaluer les résultats. Ce qu’il faut retenir, c’est que comme pour toutes les techniques, ça ne convient pas à tout le monde. Le plus important, c’est que toutes les formes de jeûne doivent être accompagnées sur le plan médical, pour ne pas être carencé. Ce qu’on peut dire cependant, c’est que le jeûne sur le plan des neurosciences est plutôt favorable. Ça fait du bien au moral, ça donne de l’énergie, ça favorise les apprentissages, la concentration et les performances intellectuelles, mais il faut le surveiller. L’idée, vu qu’on s’abstient de manger pendant le jeûne, c’est aussi de remplacer l’alimentation par d’autres formes de plaisir. Si certains stages de jeûne couplés à de la randonnée ou du yoga par exemple marchent si bien et font autant de bien aux pratiquants, c’est parce qu’ils sont en groupe, dans la poursuite d’un objectif commun. Et ça nous éclaire donc aussi sur le fait que si on veut perdre du poids, c’est bien aussi de ne pas être seul, c’est bien de se sentir soutenu. Le lien social favorise le bon moral et donc la perte de poids. D’ailleurs, des études récentes montrent que si nos amis maigrissent, ça favorise notre perte de poids. La 2e règle d’or, en plus de bien dormir et de lutter contre le stress, c’est d’être entouré de gens bienveillants.
« La 2e règle d’or, en plus de bien dormir et de lutter contre le stress, c’est d’être entouré de gens bienveillants. »
Quid de la prise de poids à la ménopause, à une étape clé où les femmes cumulent charge mentale, baisse hormonale, stress, manque de sommeil et anxiété ?
Dr S.C. : Oui vous avez raison, c’est une étape naturelle de la vie des femmes mais où tous les facteurs sont réunis pour prendre du poids. S’il y a vraiment un âge où la reprise de l’activité physique et sportive a une incidence directe sur la perte de poids, c’est bien à la ménopause. C’est démontré et c’est vraiment efficace. Il faut aussi privilégier son sommeil, car c’est une période de la vie où les femmes ont tendance à s’oublier, car elles s’occupent beaucoup des autres et de leur activité professionnelle. Je conseillerais aux femmes d’anticiper leur ménopause, en allant en parler à leur médecin, en étudiant l’intérêt ou pas, au cas par cas, d’envisager un traitement hormonal substitutif, mais aussi en se faisant aider sur le plan psychologique pour anticiper moralement cette période et donc la vivre le mieux possible.
On considère de plus en plus certains troubles du comportement alimentaire comme des addictions. Expliquez-nous.
Dr S.C. : Il y a certaines pulsions alimentaires, notamment avec les aliments sucrés ou ultra transformés, qui s’apparentent vraiment à des conduites addictives, avec ce besoin d’augmenter sans cesse les doses, le phénomène de manque au sevrage. Donc certaines obésités et surpoids correspondent vraiment à des addictions, où tout tourne autour du produit, où le plaisir est lié à la nourriture, avec des pertes de contrôle et des conséquences néfastes sur la santé. Les addictologues les comparent donc à des drogues comportementales comme les addictions au jeu. Les aliments transformés ont un tel impact sur le cerveau qu’ils sont devenus des produits addictogènes. D’où l’intérêt déjà de prendre conscience de cette dépendance, puis d’apprendre à remplacer progressivement ces aliments ultra transformés par d’autres produits non addictogènes et qui sont bons pour la santé, y compris des produits sucrés comme le miel et les fruits frais dont je parlais tout à l’heure. Il faut aussi essayer de remplacer cette dépendance à la nourriture par d’autres activités qui procurent du plaisir et font du bien : des activités amoureuses, sportives, ludiques, culturelles, sociales, des soins du corps, de la détente et de la relaxation, etc. Et puis, ne pas hésiter à se faire aider par des professionnels comme on le ferait pour une autre addiction à la drogue ou à l’alcool.
Les neurosciences nous éclairent sur le fait que l’hyperactivité et l’hypersensibilité peuvent être aussi des causes de surpoids.
Dr S.C. : Tout à fait. Ce qui caractérise le plus la prise de poids chez les personnes hyperactives, c’est son caractère impulsif. Elles vont donc manger de façon impulsive, voire compulsive. Beaucoup de personnes ignorent que la cause de leur surpoids est un TDAH. Donc ce qui compte, c’est son diagnostic, puis sa prise en charge. En traitant la cause, on traitera donc le surpoids. Les hypersensibles, quant à eux, sont tellement émotifs qu’ils vont utiliser les aliments pour éteindre des émotions trop intenses. En se faisant accompagner, notamment par des thérapies cognitives et comportementales, ils arriveront à canaliser cette hypersensibilité et ses conséquences en termes de prise de poids.
Quel message essentiel aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ?
Dr S.C. : Le surpoids ça touche tous les organes, tous les aspects de soi. C’est donc la prise en charge holistique la plus complète possible qui vous permettra de perdre du poids et donc de vous libérer aussi en profondeur des kilos émotionnels et neurologiques. En fait, ça revient à accepter de changer d’identité et de devenir quelqu’un d’autre.
Propos recueillis par Valérie Loctin.
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