Une opération de chirurgie esthétique n’est jamais un geste anodin. Avant de décider d’y avoir recours, il faut se poser les bonnes questions. Pour bien comprendre les enjeux, nous avons rencontré le Dr Vladimir Mitz, chirurgien plastique, réparateur et esthétique, à la renommée internationale.
Qu’est-ce qui a motivé votre nouveau livre sur la chirurgie esthétique ?
Dr Vladimir Mitz : Premièrement, il m’a semblé important de réhabiliter cette spécialité auprès du grand public qui la délaisse parfois au profit de la médecine esthétique. A l’époque des réseaux sociaux, on médiatise plus certains « ratés » que tous les bienfaits que peut apporter une chirurgie plastique, réparatrice et esthétique de qualité. J’ai jugé important d’analyser justement ces ratés dont on parle et d’en expliquer le pourquoi et le comment. J’ai souhaité également faire le point sur les immenses progrès de la chirurgie esthétique, comme le lipofilling notamment, qui donne des résultats extraordinaires. Et j’ai pensé utile de donner des conseils aux adultes comme aux adolescents, tout en posant la question essentielle de la recherche de perfection dans l’acte de chirurgie esthétique.
Quelle définition donnez-vous au chirurgien spécialisé ? Est-ce un réparateur, un psy ou un peu les deux ?
Dr V.M. : Un peu les deux, bien sûr, mais la dimension fondamentale, c’est son côté réparateur. La chirurgie réparatrice a permis de redonner vie et espoir à de nombreuses personnes à la suite d’accidents et de grandes brûlures notamment. Nous sommes là à la fois dans la réparation physique, mais aussi dans la réparation psychologique et mentale, qui permet de comprendre la souffrance humaine, de soigner pour sublimer la douleur.
Vous faites partie des médecins qui ont démocratisé la chirurgie esthétique. Considérez-vous qu’elle est aimée ou mal-aimée aujourd’hui ?
Dr V.M. : Là encore, c’est un peu les deux. Quand on voit le nombre d’interventions qui sont pratiquées en France et dans le monde, il est certain qu’elle répond à une demande de plus en plus forte du public. Et en même temps, de nombreux patients ne peuvent pas se l’offrir, car elle coûte cher. Il faut savoir que notre corps est taxé à 20% par l’Etat, ce qui augmente considérablement le coût des interventions. Les classes moyennes sont fortement demandeuses de chirurgie esthétique, mais la plupart des gens renoncent parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Résultat, on est face à deux phénomènes inquiétants. D’une part la montée du tourisme chirurgical à l’étranger qui n’offre pas les garanties de sécurité sanitaire suffisantes et d’autre part la négociation des prix, qui entraîne que certains chirurgiens peu scrupuleux en font moins, d’où certains ratés.
« J’ai souhaité faire le point sur les immenses progrès de cette spécialité, comme le lipofilling notamment, qui donne des résultats extraordinaires. »
La chirurgie esthétique connaît un vrai boom et ça va crescendo. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une société de l’image et du paraître ?
Dr V.M. : Le narcissisme est profondément humain. Dans la société d’aujourd’hui, on demande aux gens de se re-narcissiser, de s’aimer à nouveau. Ce qui impose d’affronter toutes nos petites imperfections réelles ou imaginaires. Et dans le monde du travail, c’est encore plus violent, car on doit affronter la lutte des classes d’âge. Vous savez, toutes les femmes haïssent la chirurgie esthétique avant 40 ans. Mais après 40 ans, tout s’inverse. Il y a une véritable pression sociale qui s’exerce tant dans la vie de tous les jours, que dans les médias et dans le monde de l’emploi. Pour les hommes aussi, à partir de 50/55 ans, leur corps change, il s’arrondit, les paupières s’alourdissent. Toute cette pression de la société et du monde du travail entraîne une dépréciation, une perte de confiance en soi, chez les hommes comme chez les femmes.
Comment faites-vous face à des patients qui demandent des interventions que vous ne jugez pas essentielles, voire que vous estimez inutiles ?
Dr V.M. : Le plus grand talent d’un chirurgien, c’est l’art de dire non. Et pas seulement de dire non, mais surtout d’expliquer pourquoi on dit non. Pourquoi il est inutile d’opérer dans un cas très précis. Pour cela, il faut d’abord savoir écouter attentivement la demande du patient : ses ressentis, ses colères, ses frustrations, ses peurs, ses doutes, ses émotions… Il m’arrive très régulièrement de laisser s’exprimer un patient dans un monologue de vingt minutes, voire plus. Ce temps d’écoute est primordial, fondamental. Car il permet de comprendre ce qui motive le patient. C’est compliqué de dire non, et ça prend du temps. Parfois, il faut deux consultations, la première pour l’écouter et expliquer les complications. La seconde pour lui faire entendre le non.
La liposuccion est l’opération la plus pratiquée dans le monde. Est-ce pour vous une solution face à l’obésité ? Et que faire face à des femmes qui vont continuer à mal se nourrir après l’intervention ?
Dr V.M. : La liposuccion est géniale ! Elle a changé la vie de millions de femmes et d’hommes dans le monde. Son principe est de supprimer la graisse en profondeur, car la graisse de surface ne peut quant à elle partir que par le sport et l’hygiène de vie, alimentaire notamment. On demande donc à tous nos patients d’essayer de maigrir en amont et en aval de l’opération. On a beau expliqué qu’il ne faut pas faire de liposuccion si elle ne s’inscrit pas dans un programme d’hygiène de vie préalable et au long cours, plus de 50% des patients n’écoutent pas et ne suivent pas les recommandations de leur médecin. Résultat, ça donne des insatisfaits alors que l’intervention, elle, a été un succès.
Autre constat, on se fait opérer de plus en plus jeune. Quelle est votre sentiment face à ce phénomène sociétal ?
Dr V.M. : La demande chez les adolescents de cesse de croître en effet. De nouvelles demandes apparaissent : des jeunes filles qui veulent corriger leur silhouette, d’autres qui n’ont pas de poitrine ou des seins asymétriques. La tendance chez elles est de n’avoir plus à porter de soutien-gorge. Il y a aussi de plus en plus de demandes de chirurgie intime. Et chez les jeunes garçons, c’est parfois l’existence de seins qui entraîne le plus de complexes. Là encore, il est essentiel que les parents entendent le mal-être de ces adolescents en souffrance, pour que le problème ne devienne pas plus grave avec toutes ses répercussions psychologiques.
« Il est essentiel que les parents entendent le mal-être de ces adolescents en souffrance, pour que le problème ne devienne pas plus grave avec toutes ses répercussions psychologiques. »
Comment faire pour lutter contre le tourisme médical esthétique à l’étranger et tous les risques qu’il comporte ?
Dr V.M. : La solution est du ressort de l’Etat, qui devrait accepter de supprimer la TVA de 20% sur ce type d’intervention quand elle est vraiment motivée par un complexe profond. On pourrait imaginer par exemple de faire appel à des psychiatres pour juger si l’intervention est vraiment nécessaire pour la santé psychologique du patient qui n’arrive plus à faire face à son complexe. On pourrait alors aller encore plus loin dans la prise en charge comme pour une chirurgie réparatrice notamment. Il faut aussi que les médias comme vous nous aident à relayer le message des dangers de ce tourisme médical esthétique pour la sécurité et la santé des patients.
On assiste actuellement à une montée en flèche d’opérations plus intimes. Qu’est-ce qui explique ce phénomène bien nouveau ?
Dr V.M. : Aujourd’hui, le regard que l’individu porte sur son corps ne s’arrête plus au slip ou à la culotte… Cela est dû notamment à la montée et à l’accès à la pornographie sur internet. A nous les chirurgiens de freiner un peu, en expliquant bien les conséquences : les cicatrices, les douleurs, la gêne fonctionnelle… A nous d’estimer quand c’est utile dans le cas d’une hypertrophie par exemple et de ne pratiquer que quand c’est vraiment le cas.
Vous expliquez les grandes avancées qui révolutionnent la chirurgie esthétique. Que dire du lipofilling notamment ?
Dr V.M. : Le lipofilling est une véritable révolution qui consiste à transférer la graisse d’une zone du corps à une autre afin de remodeler le visage ou la silhouette. C’est une technique 100% naturelle qui convient à tout le monde, y compris aux personnes qui ne souhaitent pas recourir à des implants ou à des produits résorbables. C’est entièrement naturel, bio et sans cicatrices ! C’est une intervention idéale notamment pour les personnes qui ont le visage qui se creuse en vieillissant. Les résultats sont visibles immédiatement et très naturels. D’où le succès de ce type d’intervention qui coûte environ 1500 euros la séance.
Quels conseils donner à nos lectrices qui envisagent une intervention ?
Dr V.M. : Premièrement, avant toute chose, examinez-vous d’abord et aimez-vous ! Une opération est vraiment utile si votre gêne ou votre complexe est permanent et qu’il vous chagrine chaque matin devant votre miroir. Deuxièmement, trouvez le bon chirurgien. Pour cela, n’hésitez pas à en parler à votre médecin traitant, à votre médecin de famille, qui vous connait bien et qui saura vous conseiller le bon spécialiste. Troisièmement, si après l’opération, vous n’êtes pas pleinement satisfaite, restez fidèle à votre chirurgien, dialoguez avec lui, discutez, des solutions existent. Et puis enfin, ne faites pas d’intervention pour faire plaisir à quelqu’un d’autre, votre compagnon par exemple. Votre corps vous appartient !
Propos recueillis par Valérie Loctin.
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