La souffrance et les maladies liées au stress représentent aujourd’hui un véritable fléau pour des millions de personnes, à tout âge. Le dernier livre du Dr David Gourion a pour objectif de déclencher une prise de conscience et de nous aider à combattre l’excès de stress chronique à l’aide d’une méthode personnalisée et progressive. Explications avec l’auteur.
Vous avez écrit ce livre pendant les confinements. En tant que psy, vous avez été très affecté par l’impact destructeur de la pandémie sur l’état émotionnel des gens. Expliquez-nous.
Dr David Gourion : Oui, c’est vrai et cet impact a varié dans le temps. Au départ, il y a eu d’abord un effet de stupeur générale face à cette pandémie inédite, puis, en tant que psys, nous avons observé la montée de nombreuses peurs et une grande incertitude liée à des discours contradictoires sur ce nouveau virus. Aujourd’hui, c’est différent, ce que disent beaucoup de nos patients, c’est que ce qui occasionne le plus de stress, ce n’est pas le Covid en lui-même, ce sont les répercussions pratiques de cette pandémie sur nos vies et celles de nos proches.
Vous proposez une nouvelle approche pour réguler le stress et non l’éradiquer. C’est important de comprendre que ce n’est pas le stress en lui-même mais bien l’excès de stress chronique qui pose problème ?
Dr D.G. : Bien sûr, c’est très important, car l’erreur serait de penser que le stress est notre ennemi. Or, ce n’est pas le cas. Le stress, c’est une réaction de notre organisme face à une situation de danger. C’est donc une réaction d’adaptation. De plus, on le sait aujourd’hui, il y a une corrélation entre notre niveau de performance et le stress, qui suit une courbe en U inversé. Si un étudiant se rend à un examen sans aucun stress, sa performance sera relativement basse. Il lui faut donc un certain niveau de stress ou d’appréhension pour augmenter sa performance. En revanche, si son niveau de stress est trop haut et dure trop longtemps, alors sa performance chutera. Le stress nous permet de faire face à des situations complexes de nos vies, mais à ces deux conditions, qu’il ne soit pas en excès et qu’il ne perdure pas dans le temps. Il existe donc un stress qui nous est très utile puisqu’il nous permet notamment de travailler plus vite et plus fort.
Quand devient-il un problème ? Quel est le curseur ?
Dr D.G. : La problématique, c’est quand on passe dans la zone rouge, le moment où le stress n’améliore plus la performance, qu’il commence au contraire à la faire baisser et qu’il devient épuisant pour l’organisme. Car si on n’apprend pas alors à appliquer des stratégies et des méthodes pour réguler ce trop plein de stress qui dure, on peut développer des troubles liés au stress : soit des troubles internalisés (anxiété, dépression), soit externalisés (agressivité, colère), ce qui peut avoir des répercussions psychologiques (troubles du sommeil, dépressifs, alimentaires, etc.), métaboliques sur la santé en général (maladies chroniques, obésité, etc.) et relationnelles. C’est donc un enjeu majeur de santé publique. Le problème, c’est qu’à part nous dire « y’a qu’à, faut qu’on… », on ne nous apprend pas à réguler cet excès de stress, ni à l’école ni après.
« L’erreur serait de penser que le stress est notre ennemi. Or, ce n’est pas le cas. Le stress, c’est une réaction de notre organisme face à une situation de danger. C’est donc une réaction d’adaptation. »
Vous êtes à la fois psychiatre et docteur en neurosciences. Comment les neurosciences vous ont-elles aidé à construire votre méthode anti-stress autour de « la motivation au changement » ?
Dr D.G. : C’est une question très intéressante. L’idée, c’était d’appliquer des concepts issus des neurosciences et de les rendre extrêmement simples au travers d’outils très accessibles. Vous prenez l’exemple de la motivation au changement, c’est un élément fondamental, mais mal compris. Souvent, on confond motivation et volonté. Je ne dis pas que la volonté n’existe pas, mais ce que les neurosciences montrent, c’est que la motivation est plus liée à la notion de récompense. Et plus on est récompensé, plus une situation ou un programme nous apporte de bénéfices, plus notre comportement va avancer positivement. Il me semblait donc essentiel que dans une méthode qui doit nous aider à modifier des comportements et des processus psychiques relatifs au stress, je puisse y apporter cette dimension motivationnelle, car appendre et maintenir un changement de comportement dans la durée, n’est pas simple. Le changement ne doit pas être imposé, on doit y trouver soi-même un intérêt.
Comme quand on souhaite arrêter le tabac ?
Dr D.G. : Oui, tout à fait. Quand on décide d’arrêter de fumer, ce n’est pas seulement un problème de volonté, car la plupart des gens veulent vraiment y arriver. Qu’est-ce qui fait qu’un beau jour ils y parviennent ? Tout vient des ressorts motivationnels et des mécanismes de métacognition, c’est-à-dire les mécanismes de pensée sur les pensées, c’est-à-dire vaincre aussi nos fausses croyances, nos idées reçues, nos pensées toxiques, celles qui nous font faire fausse route ou nous font ruminer en permanence. Aider les gens à décrypter ces processus cognitifs permet donc d’en prendre conscience, puis de les éviter et donc de ne pas ajouter encore plus de stress au stress. L’idée, c’est d’utiliser les neurosciences pour aller plus vite, pour trouver des raccourcis pour réguler autrement nos pensées, dans notre vie quotidienne comme en thérapie.
Ce qui fait la force de votre méthode, c’est qu’elle est progressive et personnalisée. C’est parce qu’elle répond aussi à différents types de profils à différents moments de notre vie ?
Dr D.G. : Un point important à dire au préalable est que je ne voudrais pas laisser penser que cette méthode est miraculeuse. Face à une vraie dépression sévère, il ne faut évidemment pas hésiter à consulter. D’ailleurs, ce livre peut être une porte d’entrée à une prise de conscience en la matière. Il peut être particulièrement utile à un moment où la personne se sent à un point de bascule vers une dépression ou un burn-out, où elle sent qu’elle peut ou qu’elle va craquer. Si on a déjà craqué, il faut aller consulter le plus rapidement possible. En revanche, si on se sent en situation de vulnérabilité, ce livre peut donner des outils de résistance et de résilience.
Votre livre démarre par l’importance de la prise de conscience de nos ruminations toxiques incessantes et par la mise de côté de problèmes qui n’existent pas encore…
Dr D.G. : Oui, et cela est vraiment basé sur l’expérience clinique auprès de mes patients depuis vingt ans. On peut aller mal pour des raisons objectives liées à la perte d’un être cher ou d’un emploi, une maladie ou un accident, mais il y a également beaucoup de gens qui vont mal et qui développent des troubles anxieux alors que tout va pourtant plutôt bien dans leur vie. J’ai observé de façon clinique quel était le mode de fonctionnement de ces personnes-là, ce qui augmentait leur vulnérabilité face au stress. Il apparaît notamment un mode de ruminations en boucle, qui se mettent en place sans aucune hiérarchisation des problèmes, sans pouvoir distinguer l’essentiel de l’accessoire. Expliquer aux gens que ce n’est pas parce qu’une pensée vient taper à la porte de leur esprit, qu’il faut pour autant la laisser entrer, l’accueillir et lui répondre, me semble essentiel. Et ce qui est également très spécifique aux anxieux, ce sont toutes les anticipations de l’avenir. Sauf que ce qu’on anticipe n’est pas ce qui va arriver et surtout pas sous la forme qu’on a imaginée. Même si nous aimons bien contrôler notre environnement, l’idée c’est de trouver des techniques pour lâcher prise, arrêter d’être sans arrêt dans l’hyper contrôle et donc se soulager de cette stratégie d’anticipation permanente qui est stressante, fatigante et qui ne marche pas. Notre pensée nous envoie sans cesse des fake news, d’où l’intérêt de sortir de cette théorie du complot de notre cerveau, qui ne fait que nous mettre en panique, pour arriver à se replacer dans le réel, l’instant présent et la pleine conscience, par des outils tout simples.
« Notre pensée nous envoie sans cesse des fake news, d’où l’intérêt de sortir de cette théorie du complot de notre cerveau, qui ne fait que nous mettre en panique, pour arriver à se replacer dans le réel, l’instant présent et la pleine conscience, par des outilstout simples. »
Dans les différents outils détaillés, vous proposez la technique AFFECT. Pouvez-vous nous l’expliquer en quelques mots ?
Dr D.G. : La différence entre l’anxieux et le non anxieux, ce n’est pas d’avoir des soucis, car tout le monde en a. La différence, c’est de rester bloqué dessus, d’être comme en pause et de ne pas arriver à passer à autre chose. La technique AFFECT est partie notamment de l’observation des chats qui ont une capacité à orienter leurs oreilles vers le moindre petit bruit et en même temps cette capacité de switcher d’un état d’assoupissement complet vers un état d’hyper éveil comme si leur vie en dépendait, puis de re-switcher vers un état d’hyper détente. Je me suis dit que si j’arrivais à trouver une méthode permettant à chaque personne d’avoir une telle flexibilité, lui permettant de décider où porter, où focaliser son attention, ce serait très intéressant dans la panoplie des outils anti-stress. Car s’il est difficile voire impossible de contrôler nos émotions, on peut décider d’adopter ou pas certains comportements, de mettre ou pas toute notre attention dessus. Donc cette technique AFFECT permet d’apprendre à flexibiliser notre attention, à switcher comme le chat, en ne restant pas bloqué sur une menace imaginée ou une pensée toxique.
L’objectif de ce livre est-il également de provoquer un choc motivationnel pour rendre tout lecteur stressé ou anxieux plus perméable au changement ?
Dr D.G. : Oui, bien sûr, car finalement, on s’habitue à notre stress. On porte tous des fardeaux considérables, sans parler de la surcharge mentale, de l’injonction au toujours plus et à la perfection, et à un moment donné, on ne se rend plus compte de tout ce poids qu’on porte sur nos épaules, car on est en permanence sursollicité. C’est d’ailleurs pour cela que je propose au début du livre une petite grille d’évaluation de notre stress à faire une à deux fois par jour. C’est comme un apprentissage, un acte de bienveillance envers soi, pour se porter plus d’attention. Car mesurer quelque chose permet d’en prendre conscience, c’est un premier pas de motivation au changement.
Il est possible d’adapter cette méthode à chaque type de situation vécue, comme des tocs ou des crises de boulimie par exemple. Préparez-vous une suite de votre livre, ciblée sur d’autres pathologies comme le stress post-traumatique ou le stress au travail ?
Dr D.G. : J’y réfléchis, car je suis très sensibilisé à toutes ces problématiques-là au travers de mes patients, comme à l’augmentation très forte des niveaux de stress chez les enfants, les adolescents et les jeunes en général depuis la crise sanitaire. Si tous les outils que je propose pouvaient leur être utiles, je serais le plus heureux des psys !
Quel message essentiel aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de ce livre ?
Dr D.G. : Soyez attentif à vous et soyez flexible. Attentif à vous dans le sens bienveillant, notamment face à votre niveau de stress. Usez-en sans en abuser. Et d’autre part, faites preuve de flexibilité psychique, de flexibilité dans l’attention, car c’est un grand facilitateur de vie, pour soi comme pour ses proches.
Propos recueillis par Valérie Loctin.
Son dernier livre
Anti-stress
Ce livre est une méthode simple et rapide pour apprendre à gérer son stress. Grâce aux découvertes des neurosciences et à une solide expérience clinique, le Dr David Gourion a élaboré une méthode accessible à tous qui vous montrera comment éteindre les mécanismes qui maintiennent le stress. Il va vous apprendre à entraîner votre esprit à mieux le réguler au fil de sept séances de lecture fluides et progressives. Testez cette méthode, ça marche !
Du Dr David Gourion, Marabout, 224 p., 18,90 €.