Née de l’union d’un père issu de la grande bourgeoisie basque et d’une mère vietnamienne, Caroline Margeridon (55 ans) a déjà eu plusieurs vies. Rencontre avec une quinqua flamboyante, éprise de liberté et débordante d’énergie, à la fois antiquaire à succès et acheteuse de l’émission télé Affaire conclue.
Pourquoi avoir choisi de vous raconter dans un livre ?
Caroline Margeridon : En fait, je n’ai pas choisi, ce sont les éditeurs qui ont choisi. Il y a 9 mois, Gilles Cohen-Solal m’a contactée par téléphone pour me proposer d’écrire un livre sur mon parcours. Je lui ai répondu que j’étais inconnue et pas assez mégalo pour cela. Il arrive à me convaincre de le rencontrer. Au cours de notre premier dîner, j’ai eu un coup de foudre pour le couple qu’il forme avec son épouse Eloïse d’Ormesson, mais aussi pour la directrice des Editions Plon. C’est en les écoutant que notre rencontre, notre amitié et ce livre ont sonné comme des évidences. Après, il fallait l’écrire ce livre, et moi, je suis Bac moins 4 ! (rires) Ils m’ont présenté une plume, Alexandre Fillon, un journaliste littéraire que j’adore, mais je ne me suis pas retrouvée dans ses premières pages. J’ai compris alors qu’il m’aiderait à sortir la trame du bouquin puis à le corriger, mais que c’était à moi de le rédiger. J’ai donc ouvert mon ordinateur et je me suis lancée. A la lecture des premiers chapitres, mon éditrice m’a dit : « C’est tout à fait ce qu’on attendait de toi. On ne te lit pas, on t’entend ! » Du coup, ça m’a motivée et ça s’est fait avec une facilité et une limpidité incroyables.
Les gens qui vous connaissent vous décrivent comme une vraie tornade. Vous vous définissez comme une « MacGyver de la vie ». Expliquez-nous d’où vient cette personnalité atypique et ultra positive qui est la vôtre ?
C.M. : Je ne sais pas… On m’appelait Obélix quand j’étais petite. Je suis née dans un bol de bonheur. Je ne me lasse de rien. Je trouve que la vie mérite d’être vécue. Je trouve toujours du positif dans le négatif. Et le dicton que j’ai inculqué à mes enfants, mes deux grands bébés de 23 et 24 ans, Alexandre et Victoire : « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ». Je suis issue d’une famille qui avait beaucoup de moyens, j’ai été dans des écoles privées… J’aurais pu être la petite nana qui se marie à un mec bourré d’oseille, qui se fait tromper et qui reste avec lui pour mener sa petite vie à l’abri du besoin. Cela n’a pas été mon cas, j’ai eu des hauts et des bas, et j’ai élevé mes deux enfants toute seule. J’ai toujours pris ce contre-pied et pensé que la base de la vie pour être heureux, c’était la liberté, d’où le titre de mon livre « Libre ! ». Tout est beau dans l’existence pour moi. Même quelqu’un de moche physiquement, s’il est beau à l’intérieur, il en devient beau. Je ne supporte pas ces gens qui ont tout pour être heureux et qui ne sont jamais satisfaits, qui se plaignent tout le temps ! Je ne dis pas qu’il faut regarder en bas pour voir qu’on est bien, parce qu’il faut toujours regarder plus haut pour évoluer, mais il faut quand même apprendre à relativiser en regardant autour de soi.
Comment avez-vous vécu les confinements ?
C.M. : Je bosse depuis que j’ai 15 ans… donc ça ne me semblait pas possible de m’arrêter. Quand j’ai entendu qu’on parlait de confinement, j’étais en tournage. J’ai appelé mes enfants et on est parti dans le Midi chez un couple de copains avec mes amis et toute la smala. Je ne suis pas sortie de la maison pendant deux mois et demi alors que j’étais partie avec une valise pour une semaine. Au final, j’ai eu l’impression de n’être partie que cinq jours en vacances ! Donc non seulement, ça s’est bien passé puisqu’on était un peu comme au Club Med’, mais en plus, ça m’a permis de développer mes réseaux Instagram et Facebook. Je suis à 116 000 followers aujourd’hui et je suis très active sur les réseaux dont je m’occupe moi-même. C’est moi qui répond à tout le monde. Et je réagis comme je suis, avec mon naturel, de façon spontanée, y compris aux ados et aux jeunes qui me suivent énormément, car je suis un peu « maman calinou ». J’ai tellement d’empathie pour les gens que ça devient même compliqué de répondre à tout le monde, tout le temps !
On découvre dans votre livre que vous aviez la bosse de la vente dès vos 5 ans où vous vendez vos premiers objets et à 15-16 ans vous réalisez votre première grosse vente pour votre mentor Michel Meyer. Incroyable, mais vrai ?
C.M. : Oui tout à fait ! Déjà, quand j’étais petite, je passais ma vie dans les boutiques d’antiquités de ma mère. Je m’inventais de fausses maladies pour ne pas aller à l’école et je partais sur les brocantes. C’était ma passion. Une passion pour les gens et pour les objets qui racontent toujours une histoire. J’étais nulle en histoire, mais aujourd’hui je suis incollable, y compris sur les dates, car j’ai appris la grande histoire à travers les objets. C’est à l’âge de 15 ans que j’ai organisé mon premier salon des antiquaires au Vésinet, puis, peu après, le second à l’âge de 16 ans aux jardins du Ranelagh sous un chapiteau avec 25 marchands. J’avais un tel culot à l’époque ! Je tenais mon propre stand et c’est comme cela que j’ai rencontré Michel Meyer, grâce à un meuble extraordinaire que j’avais pris en dépôt et qui valait 450 000 francs de l’époque. Il m’a acheté le meuble pour lequel je demandais 650 000 francs, sachant très bien la marge que j’allais me faire, mais aussi celle qu’il allait aussi faire dessus. C’est ainsi que tout a démarré et que je me suis retrouvée à partir en Concorde acheter des meubles aux Etats-Unis et travailler pour lui alors que je n’étais même pas majeure.
Vous dites que ce n’est pas la valeur d’un objet qui fait sa qualité, mais son authenticité. Ça résume un peu votre philosophie de vie, car vous avez un rapport totalement décomplexé à l’argent ?
C.M. : C’est vrai. Je me montre sur Instagram au volant d’une Porsche ou à bord d’un hélicoptère partant avec des amis habillés en smoking déguster une fondue à la montagne… Ces images, ça pourrait choquer les gens, pourtant les équipes de France Télévisions qui représentent le service public, me disent « Toi, tout le monde t’aime ». L’argent n’est pas tabou pour moi. C’est fou ce principe de dire « ça ne se fait pas de gagner de l’argent ». Moi j’aimerais au contraire que tout le monde en gagne ! Je suis tellement ébahie par tout ce qui m’arrive que je trouve sympa de le montrer, mais pas pour démontrer que je possède des choses, pas pour frimer, mais pour montrer que dans la vie tout est possible ! En fait, tout est spontané chez moi, dès que je vois un truc marrant ou incroyable, ça m’amuse de le partager. Et comme ça m’arrive tous les jours, ça fait vraiment marrer les gens. Faire des choses pour ne les garder que pour soi, je ne vois pas l’intérêt.
Une autre de vos originalités, c’est votre rapport au physique et à l’image. Vos amis disent de vous : « Caro, c’est notre meilleur pote, un homme dans le corps d’une femme ». C’est quoi votre recette vu que vous êtes gourmande, vous dormez peu, vous fumez et ne faites pas de sport ?
C.M. : Moi, je suis convaincue que quelqu’un qui est moche dedans sera toujours moche dehors, et l’inverse est tout aussi vrai. La recette, c’est l’amour de soi et des autres. Si vous vous aimez comme vous êtes, les autres vous aimeront aussi. J’ai peut être certes de bons gènes car je mange plus qu’un homme, je bois plus que deux hommes, je ne fais pas de sport, j’aime faire la fête, je ne vais jamais chez le docteur…. Mais je crois que c’est surtout une question de mentalité et d’état d’esprit ultra positif, joyeux et optimiste. Quand j’étais petite, j’ai compris que mes parents auraient préféré un garçon, donc je me suis conduite comme un garçon manqué et j’en ai beaucoup profité, laissant mes deux sœurs mettre la table et faire tous les trucs un peu chiants à la maison.
Quel est votre rapport au temps qui passe, à l’âge, puisque vous êtes aujourd’hui une quinqua ?
C.M. : C’est mon éditrice qui a trouvé le titre de mon livre « Libre ! », sinon moi je l’aurais intitulé « La vie démarre à cinquante ans ! ». Mon rapport à l’âge est très bizarre, car j’ai passé mon adolescence à me vieillir, pour me donner de la crédibilité dans un métier et un monde de mecs où j’ai démarré à 15 ans. Je portais des fausses lunettes, des chignons, des tailleurs Chanel, des talons hauts. D’ailleurs, on ne me draguait jamais parce que je ne me laissais jamais draguer. Je plaisais, on me regardait, mais je mettais de la distance pour ne jamais être draguée. Quand j’ai commencé à faire de la télé, on m’a mise en garde contre les commentaires désagréables sur les réseaux sociaux, mais d’une part je n’en ai rien à faire et d’autre part j’ai la chance de ne pas en avoir. Les gens sont adorables avec moi, sûrement parce qu’ils sentent que je suis vraie dans tout ce que je fais. Je sais ou je sens depuis que je suis enfant que j’ai une bonne étoile. Pourtant, je ne suis pas croyante. Je ne crois en rien à part en moi. Par ailleurs, dans ma vie, je n’ai jamais choisi la facilité, mais la liberté. Je n’ai jamais choisi le mensonge, mais la vérité. Et c’est ce que j’ai inculqué à mes enfants. C’est sûrement cela aussi ma recette du bonheur.
Quelles sont les femmes qui vous ont marquée ou inspirée ?
C.M. : Simone Veil, incontestablement, parce qu’elle représentait la liberté. Voici une femme qui m’a scotchée et c’est drôle, car avec le temps, je suis devenue amie aves ses fils. Je pense aussi à Régine, mon amie depuis plus de 40 ans et Dieu sait si elle a un sacré caractère ! Elle vient de fêter ses 92 ans. Voilà une femme que j’admire, qui a démarré de rien – elle était dame pipi -, et qui a eu plus de 40 établissements dans le monde entier.
« Dans ma vie, je n’ai jamais choisi la facilité, mais la liberté. Je n’ai jamais choisi le mensonge, mais la vérité. Et c’est ce que j’ai inculqué à mes enfants. C’est sûrement cela aussi ma recette du bonheur. »
Vous qui semblez complètement détachée de la notoriété, comment avez-vous vécu votre intégration dans le monde de la télévision ?
C.M. : C’est très étonnant, car mes copains m’ont tous dit que je ne tiendrai pas deux mois. Je suis arrivée comme un joker dans l’émission Affaire conclue sur France 2, je suis celle qui tourne le plus et ça fait déjà quatre ans. En fait, je me suis rendue compte que comme dans tous les milieux, il y a des cons, des gens superficiels et des arrivistes, et comme dans tous les secteurs, il y a des gens entiers, des gens sincères et des gens qui ont des valeurs. Le monde de la télévision ne déroge pas à la règle. La chance que j’ai, c’est que le monde ne m’a jamais effrayée, je n’ai pas peur de parler devant des gens, je ne suis pas impressionnée par les personnalités connues, qui ont de l’argent ou du pouvoir. Et j’ai toujours détesté les gens qui jugent alors qu’ils ne connaissent pas. Et même quand tu connais, qui es-tu pour juger ? J’ajouterais Sophie Davant comme autre femme qui m’a marquée. Contrairement à moi, elle a fait ses armes dans ce métier de la télé. C’est même elle qui m’a retenue à un moment où je songeais m’arrêter, en me disant « N’arrête pas, on a besoin de toi », alors que voici une personnalité à l’inverse de moi, en tous cas très différente. Même si je suis une énigme pour elle, nous nous entendons très bien.
Racontez nous ce nouveau défi de monter sur les planches, dans une pièce de théâtre, en 2022.
C.M. : Claude Lelouch, il y a un an et demi, m’a contactée pour participer à son 50e film et j’ai dit non, parce que je ne fais pas de cinéma. Pourquoi j’ai dit oui au théâtre ? Et bien, parce que le théâtre, c’est se mettre en péril, c’est être en direct avec les gens dans le style « action-réaction », c’est leur procurer du bonheur. Et puis, mon autre motivation, c’est Zize Dupanier, qui s’appelle Louis dans la vraie vie, qui a écrit une pièce en imaginant l’histoire d’Hélène et de Josiane. L’une (moi) est à Paris l’héritière d’un empire de la cosmétique, Floréal, et l’autre (elle), une fille d’ouvrier cagole de Marseille. Tout les sépare aujourd’hui alors que petites, elles étaient amies à la vie, à la mort ! La pièce est pleine de gags, de quiproquos et de scènes de vie à mourir de rire. Cette pièce, je vous l’assure, mériterait d’être remboursée par la Sécurité sociale ! Ça va être La Cage aux folles puissance mille ! On va la jouer au Théâtre des Mathurins à Paris, mais aussi à Marseille où Zize a un public très fidèle, et ça démarrera soit au printemps, soit début septembre 2022.
Un message, un conseil, à adresser aux femmes de plus de 50 ans qui nous lisent ?
C.M. : Déjà, la première chose, c’est « soyez qui vous êtes », ne jouez pas ou ne vous prenez jamais pour la personne que vous n’êtes pas. Ne faites pas semblant. On doit être aimée pour qui l’on est. Et se dire qu’à partir de 50 ans, c’est la liberté qui arrive. On a notre vécu, nos enfants sont grands, et on se sent tellement mieux qu’avant, à condition de ne pas se prendre pour une minette. Moi j’ai toujours donné mon âge et je n’ai jamais cherché à me faire passer pour plus jeune. Comme je vous le racontais, c’était même plutôt l’inverse ! (rires) J’ai refait mes seins parce que je ne voulais plus porter de soutien-gorge en été. J’ai fait quelques injections de toxine botulique et d’acide hyaluronique, pour effacer la ride du lion entre les sourcils qui était très marquée chez moi et donc pour me sentir bien. Les femmes ne devraient pas faire de chirurgie ou de médecine esthétique pour plaire à leurs maris, mais pour se faire du bien et se plaire à elles-mêmes. Quand c’est fait pour de mauvaises raisons, en plus, c’est souvent raté, voire même une catastrophe pour certaines. Et puis, si j’ai un truc à dire aux femmes de plus de 50 ans, c’est qu’il n’y a rien de plus élégant qu’un jean, une chemise blanche et un blazer. Pour paraître plus jeunes, nous n’avons pas besoin de nous habiller comme des minettes ou comme nos filles !
Propos recueillis par Valérie Loctin.
Plus d’infos sur Facebook & Instagram : @CaroMargeridon
A lire : Parcours d’une femme libre
Avec la verve qu’on lui connaît, Caroline Margeridon revient ici sur son parcours pour le moins atypique. Sur son enfance rebelle, la découverte d’une vocation de brocanteuse dès l’adolescence, les trois décennies où elle a organisé les plus grands salons d’antiquaires de la place de Paris, son travail au marché Biron, aux Puces de Saint-Ouen, et sur les coulisses de l’émission de France 2. Elle nous raconte ses amours et ses amitiés. Son envie de monter sur les planches et de jouer au théâtre. Accrochez vos ceintures, ça déménage ! « Libre ! » de Caroline Margeridon, Editions Plon, 198 p., 19 €.